Tour de France 2011 : Cyclisme français, année 0 ?

Posté le 17/07/2011 à 15 h 16 min par dans Analyse, Courses, Tour de France

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Que se passe-t-il sur ce Tour de France ?

Voeckler en jaune qui résiste aux meilleurs dans la montagne. Le français se permet même d’aller lui-même répondre aux attaques dans la montée du plateau de Beille. Du jamais vu !

Rappelons-nous qu’en 2004, lorsque Voeckler était maillot jaune et que Armstrong l’avait emporté à Paris, Voeckler avait monté 3min30s moins vite le Plateau de Beille qu’hier.

Armstrong l’avait, quant à lui, monté plus vite que tous les favoris et même que le vainqueur hier.

Voeckler déclairait à ce sujet hier qu’avec ses jambes de cette année, il aurait été bien incapable de suivre Armstrong et Basso en 2004 ! Pourtant, l’alsacien a fait bien des progrès en 7 ans alors que le reste des favoris semble avoir plafonné.

A côté de Voeckler, Pierre Rolland fait jeu égal avec les meilleurs également, tout comme Jean-Christophe Péraud qui a réussi à rester dans le groupe des favoris et confirme ses superbes capacités de grimpeur déjà connues.

Comment expliquer donc ce rapprochement entre les performances des français, habituellement bien moins proches de cela des favoris de celles de ces favoris qui semblent avoir atteint ces dernières années leur maximum de performance et semblant donc maintenant ne plus savoir faire la différence avec des hommes qui avant n’étaient pas du tout des menances ?

Etudions plusieurs hypothèses.

La lutte anti-dopage nivellerait les performances ?

La question que tout le monde se pose à la vue des performances globales du peloton depuis plusieurs mois est celle du dopage ou plutôt de la lutte contre le dopage.

En effet, on n’a jamais vu autant de défaillances, de jours sans, de leaders esseulés ou désarmés que ces deux dernières années. Un vent de changement semble souffler sur le vélo et bizarrement, c’est en ce moment que les français remontrent le bout de leurs casques.

On avait vu un Chavanel impérial l’année dernière, cette année nous offre un Voeckler sensationnel avec quelques lieutenants de derrière les fagots sur le porte-bagage, Pierre Rolland en tête.

Du côté des « gros leaders » on semble à la peine. Alors que les Schleck ont peiné à convaincre toute cette année, à la peine sur le Tour de Suisse, se réservant pour le Tour, on les sent encore sur la réserve. Ou alors seraient-ils à fond ?

On n’ose pas le croire tant la suprématie du cadet des luxembourgeois avait impressionné l’année dernière, le meilleur jeune du Tour tenant tête à l’inaccessible Contador version 2010. Evans semble, lui aussi, être à fond. Basso également, loin apparemment de son niveau du Giro de l’année dernière. Quant aux autres, lâchés, blessés, tombés ou abandonnés.

Etonnante santé que celle des français face à ces « grands » coureurs. Pourtant, leur niveau n’a pas semble s’améliorer.
Serait-ce donc celui des autres coureurs qui aurait baissé ? Mais alors pourquoi ?

On ne peut alors s’empêcher de penser que la lutte anti-dopage française, référente mondialement, puisse y être pour quelque chose, serrant la vis des autres coureurs et des autres fédérations, auparavant plus permissives, favorisant indirectement les coureurs français, depuis longtemps dans le droit chemin.

La remise en cause de la préparation mono-objectif des grands leaders ?

Mais la lutte contre le dopage ne peut être prise comme unique argument de cette remise à niveau des français face au reste es leaders. N’est-ce pas aussi une question de préparation ?

Voeckler comme d’autres coureurs bien en vue sur le Tour, Philippe Gilbert, Thor Hushovd, Jeremy Roy par exemple, ne prépare pas le Tour uniquement. Ce coureur est présent dès le début de la saison et gagne toute l’année.

On l’a vu sur beaucoup de classiques, toujours en bonnes positions. On l’a vu sur les championnats nationaux finir 3ème. Bref, Voeckler est un coureur complet qui court intelligemment et qui, à l’image du cyclisme d’antan, vit le cyclisme comme un art de vie et comme une passion plus que comme des objectifs. Serait-ce là la clé du succès ?

On l’entend en effet tous les soirs dire qu’il va laisser le maillot, se sentant diminué et le lendemain, le mental semble prendre le dessus, lui faire retrouver des jambes et conserver sa tunique. Dans l’esprit de Voeckler comme dans celui d’autres, comme Roy ou Delage, dans leur façon de courir, attaquant sans cesse, refusant l’ordre établi, on retrouve l’image d’un cyclisme qu’on pensait perdu, celui des forçats de la route, des Merckx, Anquetil, Hinault, courant toute l’année, gagnant toute l’année et ne comptant pas leurs efforts.

Seulement, le cyclisme semble avoir changé et même si Voeckler montre une bonne forme et court intelligemment, cela ne suffira certainement pas à faire de lui un vainqueur de Tour, les autres équipes ayant de bonnes cartes pour le faire plier en amont du massif alpin, avec de gros rouleurs, on pense notamment à Cancellara chez Leopard – Trek.

Mais à mes yeux, la préparation mono-objectif des favoris du Tour semble toucher à sa fin cette année. On l’a vu avec Wiggins ou Van Den Broeck qui s’étaient préparés uniquement pour le Tour. Très maigres sur la course, n’ayant quasiment pas couru avant de s’aligner sur le Dauphiné avant le Tour. Tous les deux sont tombés, comme beaucoup d’autres leaders. Par manque de jours de course ? On pourrait même aller jusqu’à dire car trop maigres, trop frêles.

Frotter en peloton s’apprend toute l’année, notamment dans les classiques flandriennes, là où Voeckler ou Hushovd courent. Eviter les chutes sur terrain mouillé ou fouetté par le vent peut également s’apprendre en roulant au printemps, là où le temps est excécrable, ce que ne font pas les leaders du Tour. On se souvient là aussi de la descente de Voeckler vers Nice sur Paris-Nice, sous une pluie battante.

Tout cela porte à croire qu’une préparation plus variée peut mener à un niveau aussi bon (peut-être 80 ou 90%) qu’une préparation trop typée Tour (100%) tout en permettant de s’aguérir aux conditions climatiques changeantes, aux mouvements du peloton et d’éviter ainsi les péripéties pouvant réduire à néant les investissements d’une année.

Le cyclisme familial contre le « star system » ?

Mais cette réussite n’est-elle pas également la réussite d’un certain modèle français ?

On le sait, c’est la marque de fabrique des équipes françaises et une revendication claire des managers français, le cyclisme français est un cyclisme presque familial. Les équipes françaises sont en effet avant tout des assemblements de jeunes talents qui évoluent ensemble ou à qui on vient ajouter quelques pièces extérieures autour d’un projet à long terme.

Le management en bon père de famille des équipes (de Bernaudeau ou Madiot par exemple) semble enfin porter ses fruits avec une cohésion très forte autour de valeurs apparemment porteuses.

D’un autre côté, les grosses équipes sont des agrégations de talents autour de leaders où chacun est embauché dans un but précis et autour d’un seul objectif, faire gagner le leader de la formation. On n’a donc peut-être pas cette même cohésion et cette même volonté de réussite individuelle et collective, tout devant être fait pour un seul homme, qui s’il est mal peut vite faire tomber le moral de toute l’équipe.

Un peu à l’image de ce qui se passe en Belgique chez Omega-Pharma Lotto avec le victoires successives de Gilbert, Greipel et Vanendert, n’assiste-t-on pas à la naissance d’un cyclisme plus ouvert, plus « familial » et d’opportunisme plutôt que centré autour d’un seul homme ?

La question, pour cette équipe restant, aurait-on eu cette même réussite et cette même ouverture si Van Den Broeck était toujours en course ?

La succession de Hinault plus si loin que ça

Vous le voyez, le cas Voeckler reste énigmatique mais porteur d’espoir pour le cyclisme français qui se sent pousser des ailes tous les jours sur le Tour. On ne peut que supposer ces hypothèses tant cette situation de statut quo entre leaders est nouvelle après les années de domination de Armstrong ou Contador.

Les coureurs français sont prometteurs, ambitieux et révélateurs d’une très bonne santé du vélo hexagonal et d’un niveau retrouvé face aux leaders étrangers des grosses équipes autrefois inaccessibles.

Alors, Voeckler ne gagnera pas cette année, c’est presque sûr mais le successeur de Hinault n’a jamais été aussi prêt de se tenir sur la première marche du podium du Tour à Paris qu’on en soit certains ! Et ça, c’est une très bonne nouvelle.

Crédit Photo : Petit Brun, flickr.com – CC

A propos de

Tombé dans le vélo à l'adolescence, je n'ai cessé de rouler depuis en essayant de constamment suivre l'actualité du monde cycliste. Je vis le vélo comme une passion, un sport et un mode de vie, chaque coup de pédale après l'autre.

5 Réactions

  1. non mais cette hypocrisie ça fait peur!

    et la solution: dopage de Voeckler et consors

    pourquoi donc l’écarter?

  2. @Semper : Pourquoi hypocrisie ? Il ne s’agit pas d’écarter quoi que ce soit mais de poser les questions et il faut avouer que les coureurs semblent plus « humains » depuis les récentes affaires. Mines déconfites aux arrivées, teints pâles, défaillances etc. Côté français, pas l’impression qu’il y ait eu une évolution de performances. Donc le niveau des français se rapproche du nieau global.
    Pas d’accord ?

  3. eh bien pourquoi ne pas parler, dans cet article, de cette possibilité pourtant assez évidente.

    Côté français pas d’évolution?

    Ben côté Voeckler, si, justement.

    Moi c’est simple je n’ai jamais vu quelqu’un aller chercher aussi facilement (je n’ai pas vu de mine déconfite ni de teint pâle chez Voeckler) et successivement, des Basso, Contador, Schleck,… alors que ça monte à 8%.

    Surtout que c’est un exercice qu’il n’avait jamais fait, à ce point, et, plus que la moyenne, la débauche de puissance que ces accélérations représentent devrait en faire réfléchir plus d’un.

    Même côté moyenne, il a été plus vite que ses dernières ascensions de Beille : 10% plus vite c’est 10% de puissance en plus (exemple 360 W–>400W), c’est pas mal!

    Alors je ne dis pas que c’est çà, mais, puisqu’on évoque le dopage, passé, des étrangers, pourquoi ne pas évoquer celui d’un français, bien que, je le reconnais, c’est assez infâmant.

    La réflexion sur des coureurs « plus humains », une des dernières fois que je l’ai entendue, c’était au sujet de Landis….

    Mais si le fait que Voeckler soit devenu le meilleur grimpeur français, devant Moncoutié et Casar, ne choque personne, après tout.

  4. Certes, il est vrai que j’ai du mal à imaginer que Voeckler puisse se doper :O
    Il grimpe sacrément bien cette année c’est vrai mais un peu comme Wiggins sur le Dauphiné, au train (sauf quand il accélérait pour aller chercher les Schleck…)

    Pour la comparaison avec Casar qu’on a peu vu et Moncoutié, n’est-ce pas ces derniers qui sont à la ramasse ? Moncoutié n’a finalement pas pu suivre Roy dans l’Aubisque et a quasiment fait jeu égal avec Hushovd en ayant pourtant fait plusieurs fois meilleur grimpeur de la Vuelta ces dernières années.

    Pour les coureurs plus humains, je reconnais que cette réflexion, vu son passif avec Landis est peut-être mal choisie mais c’est une réflexion que je me suis faite voyant les têtes bien fatiguées des coureurs aux arrivées, chose qui ne me marquait pas autant les années précédentes.

    Vos remarques portent à réfléchir :-) et je vous remercie d’avoir apporté vos commentaires qui nuancent le propos

  5. Moncoutié à la ramasse?

    Il me semble qu’on connaît mal ce type de coureur, certes pas très fréquent.

    C’est un type qui ne se met jamais dans le rouge et qui en garde toujours pour la suite.

    exemple: à l’étape de Beille, Moncoutié arrive à 4’16 », Roy à 26’45 »

    et puis à Lourdes il bat un Roy, complètement cramé.

    Moncoutié, paraît-il, est connu, dans le peloton, et depuis tout le temps, pour marcher sans supplétifs interdits.

    Je ne sais pas si c’est vrai mais il serait alors la référence vis à vis de laquelle les performances assez incroyables de certains seraient à juger.

    Casar c’est un peu le même genre de coureur, mais je connais un peu moins.

    Enfin, pour me plagier, voilà ce que je rappelais sur le forum de france2:

    « En fait, il y a un fort doute sur Voeckler, c’est assez évident vu ses performances au cours de ce tour 2011.
    Dans l’étape de Beille, il aurait amélioré de 10% son meilleur temps dans la montée finale.(à confirmer)
    De plus il a contré toutes les tentatives de départ des Basso, Schleck, Contador et autres.
    Sur une pente de 8% c’est quasiment impossible, sauf pour un véritable grimpeur, ce que Voeckler n’est pas.
    Bon je pratique un peu en montagne, certes je suis un tocard, mais hier j’étais assez stupéfié.

    Je ne dis pas que c’est le dopage, enfin je n’en suis pas sûr, mais j’ai un gros doute.

    Le tour n’est certes pas fini mais si je compare à deux français, bons grimpeurs, à savoir Moncoutié et Casar, il n’y a pas photo.

    Ah oui quelques chiffres:

    Moncoutié en moyenne sur 9 tours a été classé 49ème
    Casar 48ème sur 9 tours également
    Voeckler 82ème sur 8 tours.

    on verra à l’arrivée sur les Champs…  »

    Ceci dit attention, même si je n’aime pas le comportement de « m’as-tu vu » de Voeck , je pense aussi qu’il est la victime consentante, relativement tout de même, d’un système dont il est assez facile de deviner les motivations.

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