Quand les forçats de la route deviennent des forçats de la communication Web avec Twitter

Posté le 08/07/2009 à 23 h 19 min par dans Analyse

Depuis quelques temps, le Web prend de plus en plus de place dans le monde très institutionnalisé de la communication autour des événements ou de la promotion en général.

Au travers de blogs événementiels, de groupes facebook ou d’un compte Twitter, il est possible de faire de la promotion. De plus en plus de sociétés investissent ces nouveaux vecteurs de communication.

Twitter commence à se démocratiser même s’il ne reste, pour le moment, pas aussi développé que Facebook l’est, le concept étant plus brut et moins facile d’accès de prime abord que pourrait l’être le réseau social américain.

Depuis peu, les sportifs commencent à utiliser Twitter pour faire leur com personnelle. L’un des précurseurs de ce phénomène est sans aucun doute l’américain Lance Armstrong (@lancearmstrong). Il twitte sa vie, constamment, plusieurs fois par jour, partageant tous ses instants avec ses followers.

Armstrong, un Twitter geek à vélo ?

Avant sa reprise de la compétition, l’américain twittait déjà puisqu’il s’est mis à Twitter en Octobre 2008. Depuis il n’a pas arrêté puisque son compte Twitter affiche près de 2 500 mises à jour, soit une moyenne de 8 tweets par jour, là où la plupart des utilisateurs postent très rarement.

Au départ, un peu seul, il a, semble-t-il, convaincu pas mal de monde du vélo d’y venir, on s’ attardera un peu plus tard. Là où cela va même très loin, c’est qu’au delà de parler de son métier ou de ses résultats, Armstrong partage sa vie personnelle sur Twitter.

A tel point qu’il a même offert la photo de son dernier fils à ses followers alors que ce dernier n’avait que quelques heures, lui créant d’ailleurs au passage un compte Twitter. Impressionnant !
En parlant de followers d’ailleurs, Armstrong est dans le haut du tableau des concours de followers puisqu’il en a plus de 1 200 000 ! On se souvient du « concours » récent opposant CNN à Ashton Kutcher pour être le premier à dépasser le million. Ici on est bien au delà.

Mais dans le cas d’Armstrong, même si je suis étonné de son implication dans l’utilisation de ce nouvel espace de communication, c’est un peu la cerise sur le gâteau en réalité. Du moins, c’est comme cela que je l’analyse.
Il s’agit de la petite touche personnelle du boss sur une immense pyramide parfaitement construite de communication et de marketing autour de sa personne et de sa fondation.

Depuis quelques temps, Lance Armstrong possédait un site Web qui s’est ensuite transformé en blog lorsque le site de sa fondation a pris du poids. Désormais, Armstrong ne se raconte plus sur son site mais on le raconte puisque des rédacteurs postent les news le concernant, les photos et même les vidéos (très réussies) où on le voit à l’entraînement, avant les étapes, après celles-ci dans la voiture de l’équipe etc.

Pour Twitter, cela a dû venir tout naturellement, au départ. C’était surement une manière pour lui de se raconter et de jouer la transparence qu’il met en avant. Transparence dans tous les domaines d’ailleurs car le coureur américain raconte, non sans ironie, ses contrôles anti-dopage et les numérote, faisant régulièrement mine de ne plus savoir à combien il en est tellement il est contrôlé (35 depuis le 01/01/2009 je pense).

A ce jour, Armstrong utilise donc à fond sur Twitter qu’il met à jour depuis l’interface Web ou depuis ses téléphones.

Les autres coureurs

Plusieurs coureurs y viennent également, certainement entraînés par leurs confrères ou coéquipiers comme cela a été le cas notamment chez Astana avec Armstrong qui a poussé, via des messages Twitter ou vidéos (sur le Giro) les membres de son équipe à passer sur Twitter.

Dans les autres équipes, certains y viennent aussi comme chez Columbia-HTC, qui après a bien profité de ce vecteur viral d’information pour faire sa publicité.

Mark Renshaw (@markrenshaw1) a ainsi déclaré sur son Twitter qu’il testait le nouvel HTC Touch Pro 2 que le sponsor HTC venait d’apporter à toute l’équipe et qu’il allait préférer cet appareil à son iPhone sur le Tour.
A peine plus tard, Georges Hincapie (@ghincapie) annonçait aussi qu’il testait le nouvel appareil de HTC qu’il venait de recevoir et qu’il cherchait à le configurer.

Bref, outre le côté « petite souris dans la vie du sportif » pour les fans, Twitter est avant tout une superbe vitrine promotionnelle pour les sponsors ou pour le sportif lui permettant de faire sa promotion. Levi Leipheimer(@LeviLeipheimer) a fait, par exemple, beaucoup de retape avant le début du Tour pour des T-Shirts à son effigie qu’un site partenaire avait fait réaliser.

Pour le moment, le phénomène Twitter me semble limité aux grosses écuries et aux coureurs anglophones, proches de Lance Armstrong. Mais cela va se répandre, j’en suis persuadé, il y a un gros potentiel pour les sponsors.

Une réelle aubaine pour les sponsors

Les exemples des coureurs de l’équipe Columbia – HTC et de Leipheimer prouvent bien l’intérêt que les sponsors peuvent trouver, volontairement ou pas d’ailleurs, au travers de Twitter notamment pour diffuser de l’information auprès d’un public très ciblé et passionné.

Toujours grâce à Mark Renshaw et toujours via Twitter, Oakley a ainsi bénéficié d’une publicité gratuite la veille du départ du Tour quand le coureur australien a présenté sa nouvelle paire de lunette du sponsor américain, une paire de Radar Path vert translucide, pas encore trouvable dans le commerce et en édition limitée quand elle sera en vente.

Il a même précisé que cette couleur était celle du package de l’équipe, qu’on retrouve d’ailleurs au nez de coureurs d’autres équipes. De quoi affamer encore plus les amateurs avides de rouler avec le même équipement que leurs champions, un commentaire de fan sous la photo le prouvant d’ailleurs « Elles sont superbes, je veux les même en Orange ».

Lance Armstrong a bien compris également la force de twitter comme vecteur de promotion puisqu’il diffuse régulièrement en avant-première des photos des tout nouveaux produits de sa gamme Livestrong, en partenariat avec Nike, en précisant bien l’adresse du site Web où se procurer les objets, le stock disponible etc. Bien pensé !

L’américain est un spécialiste de ce genre de communication ayant, depuis son cancer, un rapport très fort avec ses sponsors, s’étant engagé moralement à vie avec eux, ces derniers l’ayant beaucoup aidé.

On le voit donc régulièrement en photo avec des chaussures, des casquettes, de T-shirts aux couleurs de sa fondation ou de ses sponsors. Il ne manque alors pas de toujours mentionner l’adresse Web où on peut se procurer ces items.

Il a aussi déclaré utiliser le nouveau Palm Pré récemment et beaucoup l’apprécier. Ce commentaire diffusé à plus d’un million de personnes, peut-on imaginer que Palm lui ait offert le téléphone ?

Trêve de suppositions publicitaires, quid du but premier de Twitter (« What are you doing? ») ? Qu’apprend-t-on des coureurs en les suivant sur Twitter ?

Et le sport dans tout ça ?

Pas uniquement un moyen de communication autour des produits offerts par les sponsors, Twitter reste également avant tout un moyen d’expression privilégié pour les coureurs avec leurs fans et même avec la presse de temps en temps.

Pendant le Giro, Armstrong, en froid avec la presse italienne, après des accusations d’organisation de la grève du peloton, ne s’était plus exprimé que par l’intermédiaire de son compte Twitter, distillant alors en 140 caractères ses impressions sur sa forme, la course, les étapes.

Pour les fans, c’était très bien vu car ces derniers n’étaient pas laissés de côté et étaient servis aussi bien et aussi vite que les grands médias. De plus, en faisant cela, l’américain était sûr de ce qui se disait sur lui.
Un article de l’équipe nous l’a rappelé récemment, on ne sait jamais ce que la presse peut dire d’un sportif après une interview. Cet article ne va d’ailleurs surement pas convaincre Armstrong de reparler librement à la presse.

Tous les coureurs étant sur Twitter partagent très régulièrement leurs impressions et cela permet d’ailleurs de comprendre mieux la stratégie de course. On sait quand le coureur se sent en forme, est malade par exemple. On se rend compte de ce qui a marché ou pas et on ressent au plus près l’excitation de la course, la peur ou l’émerveillement des coureurs face aux conditions de course.
Pendant le Giro encore une fois, les coureurs avaient fait part de leur fatigue et de leur fatigue après l’étape de 8h que Sastre avait gagnée, avouant tous que c’était probablement la plus dure qu’ils aient jamais vécue.

Quel avenir pour ces moyens de communication modernes ?

Je pense que Twitter va se généraliser au sein du peloton, les coureurs étant tous jeunes et férus de nouveauté, de technologie. De plus, cela va leur permettre de plus en plus de rester au contact de leurs fans et de relayer les produits que les sponsors leur offriront. Donc, ils y trouveront vite un intérêt. C’est rapide, moins lourd à gérer qu’un fan club et plus rapide.

Je me demande même si les sponsors ne vont pas à terme (si ce n’est pas déjà le cas) leur demander de parler ouvertement de leurs produits comme ils leur demandent déjà d’arborer les maillots ou T-shirts des marques pendant les passages télévisés.Un peu dans le style de ce qui se fait sur les blogs quand un blogueur relaye de bonnes impressions sur un produit car la marque l’a payé pour.

La communication sportive est à un tournant avec Twitter et le cyclisme semble bien parti pour être en tête du peloton des sports en tirant parti. Tout cela, un peu grâce à Armstrong qui, par son côté américain et son côté « boss » du peloton doit surement tenter de convaincre ses collègues de s’y mettre. Même si le bonhomme n’est pas forcément aimé de tous, il faut bien lui reconnaître ainsi qu’à son entourage une grande maîtrise de la communication et de ses outils.

Quoi qu’il en soit et quels que soient les enjeux publicitaires derrière cela, les fans que nous sommes n’en seront que plus satisfaits. Plus de news, de proximité, de conseils partagés.

Allez messieurs les forçats de la route, tous sur Twitter !

A propos de

Tombé dans le vélo à l'adolescence, je n'ai cessé de rouler depuis en essayant de constamment suivre l'actualité du monde cycliste. Je vis le vélo comme une passion, un sport et un mode de vie, chaque coup de pédale après l'autre.

3 Réactions

  1. Pingback: Un monde de procrastination » Article sur l’étude de Twitter dans le Marketing du sport cycliste

  2. Salut Martin!
    Une question : si Twitter se généralise au sein du peloton, ne sera-til pas un moyen pour les coureurs de, par exemple, bluffer sur leur état de forme juste avant une étape cruciale?
    Nico.

  3. Salut Nicolas,
    C’est probable en effet que Twitter devienne un outil de bluff. ça l’est déjà pas mal, notamment chez les « grandes gueules » du peloton, Armstrong en tête. :)
    Regarde cet article que j’avais posté sur les attaques d’Armstrong envers Contador après le Tour.
    Mais bien avant Twitter, le bluff et l’intimidation existaient déjà. Un de mes contacts dans le peloton me racontait une anecdote. Des envois de SMS entre coureurs la veille de grosses étapes lors du dîner « Tu as vu mon démarrage aujourd’hui, et bien demain, ce sera encore plus fort ! »
    Ici, avec Twitter, il s’agit juste d’un niveau supplémentaire dans la pression que se mettent les coureurs.

    En plus, c’est public, cela réjouit les fans, les marques et surtout les journalistes qui se plaisent à imaginer les antagonismes. A titre personnel, je trouve que cela rajoute du piquant à condition que cela ne dépasse pas les bornes du respect de la personne comme cela a sûrement été le cas côté Armstrong.

    Espérons que les coureurs sachent se raisonner sinon, il risque d’y avoir des interdictions d’utiliser ces services sociaux comme cela est le cas aux Etats-Unis en NFL par exemple.

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